Décoration et design
Entrevue : Thomas Pheasant
Publié le 6 janvier 2012
Peut-être son visage ne vous est-il pas familier, mais ses meubles et ses intérieurs sont eux, très reconnaissables. Originaire de Washington D.C., Thomas Pheasant fait partie — avec des designers comme Barbara Barry et Thomas O’Brien — d’une élite dont les créations constituent la haute couture du mobilier. Et de ce groupe sélect, il se distingue par sa capacité à concevoir des décors inspirés d’architecture, qui sont à la fois traditionnels et actuels.« Certains designers lui reprochent le classicisme et l’élégance de ses créations, observe David Beaton, propriétaire de Studio b, à Toronto, où les collections de Thomas Pheasant pour Baker et McGuire sont en tête des ventes. Or, c’est un puriste qui ne fait jamais de compromis sur la qualité. La conception et la finition de ses modèles sont tout simplement sublimes. » Qu’il s’agisse de concevoir un meuble ou le décor d’une pièce, « l’approche » de Thomas Pheasant (ou son vocabulaire, selon son expression) est demeurée inchangée depuis plus de 30 ans, en grande partie parce qu’il s’inspire du passé pour créer. «J’ai un grand respect pour la notion delongévité dans la mesure où elle intègre une sensibilité moderne », précise-t-il, ajoutant que son travail a été nourri dès l’enfance par de nombreuses visites à la National Gallery of Art et au Smithsonian. Outre le mobilier d’intérieur qu’il crée pour Baker et McGuire, Thomas Pheasant produit une gamme de meubles sur mesure, faits main et numérotés, et depuis peu une collection de mobilier d’extérieur pour McGuire. « Nous avons repris pour cette collection le même vocabulaire que celui des meubles d’intérieur, mais en l’épurant et en l’allégeant, explique-t-il. Je veux qu’on me reconnaisse dans mon travail, que mon évolution soit évidente. » Malgré cela, il s’applique à créer des intérieurs personnalisés pour chacun de ses ses clients : « Mon rôle est de leur proposer un décor auquel ils s’identifient et réagissent favorablement. Il est facile de créer de beaux décors, beaucoup moins de les personnaliser. »
Maison & Demeure : Qu’aimez-vous le plus de votre propre maison ?
Thomas Pheasant : C’est une maison classique située au cœur de Washington, avec un jardin et une piscine immenses. J’ai aussitôt été emballé par les possibilités qu’elle offrait et j’ai consacré environ 18 mois à sa rénovation.
MD : Comment décririez-vous la décoration ?
TP : C’est un agencement de quelques meubles que j’ai spécialement conçus pour la maison, de créations d’autres designers et de certaines pièces imposantes de ma nouvelle collection Baker. La cuisine est particulièrement géniale avec son plancher chauffant.
MD : Et votre appartement parisien ?
TP : Il est situé Rive Gauche dans un magnifique immeuble du XVIIe siècle. Il illustre bien la façon dont je conjugue le passé au présent. La moitié des éléments architecturaux étaient intacts, mais tout le reste avait été remplacé au fil du temps. Essentiellement, j’ai supprimé tous les éléments récents et j’ai passé beaucoup de temps à reconstituer les moulures d’origine. Tout l’appartement respecte maintenant la sensibilité historique de l’immeuble. Mais je l’ai repeint en blanc mat pour le rafraîchir et j’ai conçu tout le mobilier dans un esprit très actuel.
MD : Comment décrire votre style ?
TP : Un mélange de classicisme moderne et d’élégance décontractée.
MD : Êtes-vous collectionneur ?
TP : Je suis fasciné par les horloges et j’en ai acquis de très belles avec le temps. Il semble que je sois incapable de résister à celles qui combinent un cadran simple aux chiffres romains dans un coffre néo-classique. Et j’ai la même passion pour les montres. Je connais les meilleurs marchands dans de nombreuses villes, ce qui ne m’empêche pas d’écumer les puces.
MD : Quelles sont vos sources d’inspiration?
TP : Je trouve presque partout matière à inspiration. Dernièrement, je me suis successivement rendu à Los Angeles, New York, Las Vegas et Caracas. Toutes les villes ont quelque chose à offrir aux esprits curieux. Il est toujours intéressant d’observer la façon dont un lieu géographique façonne et influence le mode de vie.
MD : Qu’est-ce qui vous impressionne ?
TP : J’admire les gens qui restent fidèles à eux-mêmes sans être influencés par les gens ou les tendances. Chez les designers, j’admire ceux qui ont évolué en créant leur propre vocabulaire et en produisant une œuvre distincte. Il est difficile de résister aux influences extérieures. Il ne s’agit pas de s’identifier au style de quelqu’un en particulier, mais de respecter ses forces.
MD : Quels seraient vos conseils de décoration pour les petites pièces ?
TP : Avoir comme point de départ une œuvre d’art. S’en tenir si possible à une palette de couleurs très simple pour unifier les pièces, et acheter avec circonspection seulement les meubles et les objets qu’on aime vraiment. Les Nord-Américains sont de grands consommateurs, c’est ce qui nous distingue principalement des Européens. Je dois souvent le rappeler à mes clients.
MD : Quel est le plus beau cadeau que vous ayez reçu ?
TP : Ma mère m’a offert un album de photos de famille qui remontaient aux années 1800. Elle les avait classées chronologiquement et avait annoté chacune d’elles, jusqu’à ma naissance. Jamais je ne pourrais acheter ou remplacer un objet aussi précieux.