Portrait
Darcie Ouiyaghasiak Bernhardt: les œuvres de l’artiste évoquent un retour aux sources
Publié le 10 mars 2022

Dans notre chronique Portrait d’artiste, la conseillère artistique Diana Hamm de WK ART nous fait découvrir des artistes qui ont suscité son intérêt.
L’artiste: Darcie « Ouiyaghasiak » Bernhardt est un.e artiste Inuvialuk-Gwich’in de Tuktuyaaqtuuq, dans les T.N.-O. Récemment diplômée de la Nova Scotia College of Art and Design University, l’artiste habite actuellement à Halifax. Le travail de Darcie est ancré dans la mémoire collective, puisqu’iel cherche à préserver des pratiques historiques et culturelles qui ont été intentionnellement bafouées. Darcie, qui adopte un style figuratif et abstrait, compose des toiles qui rappellent sa vie en communauté et intergénérationnelle, et ses œuvres figuratives sont en grande partie inspirées de photographies remontant à son enfance. Au lieu de reprendre l’image à l’identique, l’artiste y intègre ses propres souvenirs de cette époque et ses sentiments. « Je réfléchis souvent à l’idée selon laquelle nos souvenirs changent constamment », dit-iel. Darcie a récemment commencé à peindre avec de la colle de peau de lapin, une des composantes du gesso. Iel a constaté que cela faisait briller la toile, évoquant le soleil arctique, surtout au printemps.
L’œuvre: Ce que j’aime des peintures de Darcie, ce sont les scènes elles-mêmes, qui sont plutôt intimistes. Au lieu de les peindre en petit format, iel préfère les grandes toiles qui rappellent davantage le tableau que la photographie. « Toutes les images que j’ai choisies proviennent de mon album photo, de mes archives personnelles, explique Darcie. Je veux préserver des moments importants du peuple qui m’a inspiré.e et qui m’a construit.e, je trouve qu’il est important de représenter le peuple Inuvialuit et Gwich’in. »

Dans Nanuk et Nanogak (2018), une photographie de la sœur de Darcie et de sa grand-mère en train de pêcher sur la glace au printemps a été transposée sur une toile de quatre pieds sur cinq. Le format vous permet véritablement de vous rapprocher de la scène. « Le printemps est l’un des plus beaux temps de l’année dans les Territoires du Nord-Ouest, car tout le monde se rassemble pour manger et pêcher sur la glace, voyager et profiter du soleil, explique-t-iel.
Dans cette œuvre, la trame narrative discrète laisse toute la place au paysage et à la présence du printemps. Peinte en colle de peau de lapin, la neige brille comme elle le fait les jours de soleil et de froid dans l’Arctique. Il s’agit ici de la première peinture de Darcie faisant appel à la colle de peau de lapin, et je trouve la représentation de la neige tout à fait exceptionnelle.

Les œuvres figuratives de Darcie sont méticuleuses et précises, une approche influencée par sa mère, une couturière qui créait constamment de nouveaux motifs. Même si elle ne se considérait pas comme une artiste, mais plutôt comme une artisane, ses travaux ont eu un profond effet sur Darcie. Comme le décrit l’artiste, la famille a vécu entourée de couleurs et de motifs, qui étaient au cœur de leur existence. Ici représentée, la toile intitulée Cutting Caribou (2019).

Une des œuvres préférées de l’artiste est Nanuk Braiding My Hair Before Bingo (2019), car elle évoque le souvenir des vendredis soirs où toute la famille sortait pour aller jouer au bingo. Ce sens de la communauté est au cœur de son enfance, et le geste de tresser les cheveux lui rappelle les soins et l’affection qui l’entouraient. Darcie aime cette œuvre en partie pour les cartes de bingo. Elle est obsédée par ce jeu, pour son esthétique et son iconographie; iel recrée souvent dans son œuvre les combinaisons de couleurs du tampon encreur du jeu de bingo.
J’aime aussi le fait que Darcie n’intègre pas trop de détails en arrière-plan. Ses souvenirs des lieux sont parfois flous, et il importe de recréer cette impression sur la toile. C’est cette recherche des détails, plutôt que leur représentation exacte, qui est fascinante.

Dans Dreaming of Panigabluk (2021), Darcie a réalisé une composition abstraite et plus tard compris qu’elle avait en fait peint sa grand-mère, qui s’appelait Panigabluk, d’où le titre. J’aime le fait que ces œuvres abstraites sont influencées par la couleur et les motifs, et sont très différentes des peintures figuratives de l’artiste, même si elles conservent un lien avec les souvenirs de famille et sont ancrées dans son enfance et son éducation.

Collection : Darcie est représentée par Feheley Fine Arts à Toronto, où iel a présenté sa première exposition solo à l’été de 2021. En 2020, iel a reçu le prix de reconnaissance des artistes autochtones d’Arts Nova Scotia. Darcie a été l’artiste à découvrir de la Inuit Art Foundation à Art Toronto en 2019 et est représentée dans le cadre du Projet Artistes émergents RBC. Ses œuvres se détaillent à partir de 5 000 $.
Où la voir : Darcie travaille actuellement à d’autres projets collaboratifs. Elle a récemment créé l’environnement visuel pour la vidéo de Silla & Rise, Pandemonium, où elle animait 9 000 images en aquarelle. Iel a également participé à Family Patterns, une exposition collective à la Art Gallery of Nova Scotia, présentée jusqu’en février 2022.
Photo fournie par Feheley Fine Art